C’est une légende de la scène rennaise. Co-fondateur du culte Marquis de Sade en 1977, Christian Dargelos a ensuite créé les Nus, groupe de rock teigneux dont il est le chanteur charismatique. Influence majeure de Noir Désir qui a repris le titre Johnny Colère, les Nus ont sorti un premier album en 1981, qui n’a pas rencontré le succès espéré. Reformés en 2013, les Nus ont sorti un 2e album en 2016, dont l’un des titres, Les années Reagan, est produit par Etienne Daho. C’est un troisième album que le groupe, pilier de la scène rennaise de la grande époque, prépare pour la fin 2018.

Entretien breton avec un auteur et frontman mythique.


Tu es toujours resté fidèle à Rennes ?
Oui, tout à fait. J’y suis né et j’y habite toujours. Mais je me sens plus breton que rennais en fait. Ma famille est originaire d’Hédé.

La Bretagne est importante pour toi ? C’est une source d’inspiration pour toi ?
On a fait un super morceau sur l’album (de 2016), un texte qui s’appelle Les Marins, sur le monde de la mer, sa dureté. J’aime beaucoup ce morceau.

C’est constitutif de la Bretagne pour toi ?
Oui, la dureté de ce pays, du monde maritime, des marins.
Les bretons  ont des valeurs. Je connais bien la Bretagne.

Est-ce qu’il y a des endroits importants pour toi ?
L’île de  Bréhat. C’est un croisement de terre et de mer. Tout est superbe sur cet endroit : les vues, la campagne, les couleurs, les odeurs… On adore aussi aller à Dinard. C’est à trois quarts d’heure de la maison. J’adore le pays malouin, la Rance. Autrement, on va beaucoup en vacances du côté de Lesconil, la forêt de Fouesnant…

Mer et campagne ?
Oui, j’adore la campagne, les rivières, la pêche en rivière… Et la mer, entre les couleurs, les odeurs… Je n’aime pas quand on ne passe pas au moins une semaine en été au bord de la mer.

 Est-ce qu’il existe un personnage breton marquant pour toi ?
Francois Pinault. Pas l’homme d’affaires mais le collectionneur d’art. J’aime ce côté mécène d’un fils de paysan breton qui se prend de passion pour l’art moderne ou ancien.
J’aime aussi Gauguin, qui n’est pas breton, mais qui a marqué la Bretagne. Je ne vais pas tous les ans à Pont-Aven mais à chaque fois que j’y vais, on ressent ce qu’ont pu ressentir les peintres. Ils doivent être habités par les lieux. La Bretagne au 19e…
Je me rappelle quand j’étais enfant, fin 60, début 70, j’allais en vacances du côté de Redon. C’était la campagne profonde, j’aimais beaucoup ça : les parcelles de terre, avec des espèces de mégalithes, des grosses pierres qui délimitaient les champs…

La Bretagne intérieure ?
Oui, j’adorais ça.

Est-ce qu’il y a une salle de concerts ou un festival que tu aimes plus que d’autres en Bretagne ?
Je ne suis pas très festival. On n’en a jamais fait beaucoup. J’ai connu Les Vieilles Charrues sur la place de Carhaix. C’est une Bretagne que j’aime aussi. Ceux qui normalement ont tout pour échouer et qui deviennent un des plus gros festivals d’Europe ! C’est cette image-là de la Bretagne que j’aime aussi.

Tu aimes aussi la salle de La Cité ?
Oui, je l’aime bien. J’aime aussi La Citrouille (à Saint-Brieuc), Le Vauban (à Brest). Le Vauban, je n’y ai joué qu’une fois, mais c’est mythique ! Et La Cité, les centaines de concerts que j’ai pu voir là-bas… Ce sont vraiment des beaux moments. C’est ma vie.

Comment qualifierais-tu l’esprit breton ?
Entreprenant. Ce n’était pas donné à la base. On a souffert économiquement, mais les gens se relèvent. C’est vrai qu’il y a des atouts, notamment touristiques. Et il y a cette diaspora bretonne qui fait qu’on ne laisse pas tomber la région.

Un bistrot, un restaurant que tu aimes particulièrement à Rennes ?
Le Chatham, qui est un bar extraordinaire, construit comme un bateau à l’intérieur. On a beaucoup fréquenté Philippe (Tournedouët), qui était le propriétaire (aujourd’hui patron du Bistrot de la Cité) avec Fred (Frédéric Renaud, guitariste de Marquis de Sade puis des Nus, décédé en 2013) parce qu’à un moment donné il nous a managés. Ce n’est plus la même ambiance aujourd’hui. Aujourd’hui,  il y a le bar de La Cité, et il y a eu le Dejazet. A la grande époque, c’était le bar L’Epée (aujourd’hui le Saint-Charles, rue Vasselot), qu’on fréquentait mais qui n’existe plus. Au temps des Nus, c’était un bistrot où tout le monde se retrouvait, avec un flipper, un juke-box.

A la fin des années 80, tu as arrêté la musique ?
De 90 à 2012, j’ai pris de la distance avec le monde de la musique. Et c’est Rémy (Hubert), le clavier, qui a décidé de faire un one shot, un seul concert. Je n’avais pas vu Fred (Frédéric Renaud, guitariste de Marquis de Sade puis des Nus) depuis longtemps, il venait d’avoir un problème de santé mais était enthousiaste sur ce projet. Jean-Louis Brossard (des Trans Musicales) a été partant : il voulait qu’on fasse une date et nous proposait les Trans Musicales 2013 !

Que vous n’avez pas faites ?
Non, Fred est décédé. Normalement, on devait s’arrêter là. Mais Dominic Sonic avec Chris Georgelin ont proposé de nous donner un coup de main pour le concert. Ils ont pris le relais comme guitaristes. On a bossé et ça s’est fait comme ça, une belle soirée à l’Ubu, juste la veille des Trans. Ça a été un révélateur, et Etienne (Daho), qui était dans la salle, s’est proposé pour qu’on travaille ensemble. On s’est aperçus que le set était bon et l’envie toujours présente. Ensuite, on a repris le guitariste de Santa Cruz, qui respectait beaucoup Frédéric et son jeu, et s’est fondu dans le groupe. Il était l’héritier naturel de Frédéric.

Pendant cette longue plage d’arrêt, tu n’avais plus envie ?
Oui, je n’avais plus envie. Et puis tu fais des choses avec des gens que tu admires, si tu ne trouves pas les bonnes personnes, la magie du groupe n’opère pas … J’avais l’impression d’avoir tout donné … Et à un moment, il faut savoir dire stop.

Et ce concert de 2013 t’a donné envie de repartir, de relancer les choses ?
Oui. C’est surtout qu’avec les retours du public et notre plaisir lors du concert, nous avons eu envie de briser cette histoire d’album raté, mal enregistré (en 1982). Il fallait casser le miroir et se regarder autrement, donc on a fait ce second album. Nous le trouvons réussi et les critiques nous confortent en ce sens. Les ventes sont plutôt correctes au vu du marché actuel du disque. Au moins on ne s’est pas vautrés, voilà.

Daho a réalisé un titre ?
Oui, Les années Reagan. Comme il nous l’avait promis lors du concert de l’Ubu, Etienne tenait absolument à travailler avec nous. Quand tu as des gens comme ça qui viennent vers toi en te disant : « je suis là pour te donner un coup de main… », ça donne envie ! En plus, le morceau qu’il a produit est vraiment bien, on sent une patte !

Et vous avez fait des concerts ?
On a joué cette année à Saint-Brieuc et Pleubian (dans les Côtes d’Armor). Maintenant, il faut qu’on s’active sur le troisième album, ça prend du temps. On a dix morceaux à faire, il y en a qui sont déjà bien entamés. L’objectif est de le sortir en 2018, c’est impératif. C’est un nouveau challenge, parce qu’on part de rien.

Avec Daho à nouveau ?
Il continue à suivre nos projets et souhaite de nouveau participer au 3ealbum.

Marquis de Sade redémarre et prévoient une suite à leur concert de reformation du 16 septembre. Frakture s’est aussi reformé. Les Nus reprennent : on comprend avec ces retours actuels l’importance de l’époque.
Cette époque-là était vraiment bénie des dieux, fin 70, début 80… Un âge d’or, mais sans prétention, sans dire : « nous, on était les meilleurs ! »

Dans l’album des Nus en préparation, les nouveaux textes changent un peu de registre ?
Effectivement, c’est autre chose. J’ai un ami qui vient de décéder de la maladie d’Alzheimer et j’écris un morceau, sur le passé, sur l’oubli, c’est un peu sur lui… J’ai un texte assez drôle sur un transsexuel, Un travelo nommé Odette… J’ai pas mal d’idées et l’envie de sortir des sentiers battus. Les sujets ne manquent pas. Je vois certaines choses évoluer défavorablement – mon côté pessimiste sans doute. J’ai l’idée d’un titre intitulé L’avenir et ses chagrins.

Peux-tu me dire d’où vient ton pseudonyme Dargelos qui n’est pas ton vrai nom ?
Je l’ai emprunté dans le livre Les enfants terribles de Cocteau (nda : paru en 1929). Dargelos est un personnage un peu en marge, qui semble faire les quatre cent coups, et qui fascine le frère et la sœur, héros du roman.

Chronique du second album des Nus

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