André Brugiroux, né le 11 novembre 1937 à Villeneuve-Saint-Georges, a vu tous les pays du monde. Déclaré « plus grand voyageur existant sur Terre » dans le classement des Viajeros notables contemporáneos de Jorge Sánchez, il a pris la route pour la première fois en 1955, à 17 ans et avec 10 francs en poche, pour ne revenir que 18 ans plus tard, après 400 000 km de stop, 135 pays visités et une nouvelle idée du monde. Pas de Guide du Routard ou de charters à l'époque. Sans économies (il travaillera quand il faudra et le temps nécessaire pour pouvoir reprendre la route; tantôt téléphoniste, cuisinier, serveur, cireur de chaussures et même croque-mort !) et sans parler d'autre langue que la sienne (il apprendra sur place l'Anglais, l'Espagnol, l'Allemand, l'Italien...), il a déjà compris que soif d'évasion, altruisme et débrouillardise sont les seuls bagages nécessaires. 


Lors de son périple, il sera incarcéré sept fois et frôlera la mort plusieurs fois, mais rien n’arrêtera cet inépuisable altruiste, vu chez le Dr. Schweitzer à Lambaréné et les hippies de San Francisco, chez les coupeurs de tête à Bornéo et les bonzes à Bangkok, dans un kibboutz en Israël ou parmi les trafiquants de pierres précieuses à Ceylan, et très très caetera.

Au cours de ce très long voyage, il s’initiera à la philosophie d’un Persan du nom de Bahá’u’lláh : « La terre n’est qu’un seul pays et tous les hommes en sont les citoyens ». Parti sans se poser la moindre question, il reviendra avec une réponse essentielle, une clef de l’existence ouvrant grand la porte vers ses futures aventures. 

La terre n’est qu’un seul pays, titre de son premier livre ainsi que de son film, est la conclusion et l’idée maîtresse de ce premier périple  Depuis, il voyage en ami aux quatre coins de notre Terre et raconte le monde comme une seule terre dans ses ouvrages passionnants, dont certains édités par la maison d’édition bretonne Georama, spécialisée en littérature de voyage. 

ANDRÉ BRUGIROUX, L’HUMANISTE

Si vous pouviez inventer une fête mondiale ? 
Ce serait la Fête du « Bon Sens ». Nous fêterions l’intelligence et la compréhension. Dans notre comportement quotidien tout au long de l’existence.

L’homme est-il le fruit de sa terre ?
Il y a deux choses chez l’homme : l’inné et l’héritage.
En définitive, ce qui compte à partir de ces deux choses, c’est l’acquis.
L’homme est l’homme, comme on dit. Peu importe son lieu de naissance., il n’y a qu’une espèce humaine. Si on a l’habilité de voyager au fond du cœur des gens, on est partout chez soi. Par contre, la culture, c’est-à-dire la combinaison du terroir de naissance avec l’héritage historique, donne des spécificités qui font d’un côté la richesse du monde et l’autre une possible source d’incompréhension et de friction. 

La plus grande richesse du monde : sa nature ou la nature humaine ?
L’amour ! 

Si vous aviez le pouvoir de remettre l’un des maux de l’humanité dans la boîte de Pandore ?
Oui, parce que tous les remettre, la boîte ne serait pas assez grande ! Ce serait peut-être le manque d’élégance et de courtoisie dans les rapports humains. Le manque de civilité, tout bonnement. 

Si vous pouviez organiser un repas avec des disparus, connus ou proches, de n’importe quelle époque, de n’importe quel pays, comment se composerait cette curieuse tablée ?
Je ferais un repas avec tous ceux qui m’ont fait du bien, qui m’ont donné de la joie et du bonheur, soit dans le passé par leur exemple ou leurs pensées, soit de mon vivant en ayant eu la chance de les rencontrer. 

ANDRÉ BRUGIROUX, LE POÈTE 

Si vous étiez une source d’énergie ?
Une lumière qui guide.

Un film ou une chanson qui exprime à vos yeux l’essence du voyage ?
« Je suis le marchand de bonheur,
Je n’ai que des chansons à mettre dans les cœurs,
Vous me verrez passer, passer au vent léger,
Au bon vent de l’amour… »  de Dario Moreno 

Un lieu qui ne devrait pas exister ?
La résidence du dictateur.  

Si vous étiez un signe de ponctuation ?
Le point d’interrogation

ANDRÉ BRUGIROUX, L’AVENTURIER

Quel est le plus beau trésor rapporté de vos voyages ?
La découverte des précieux écrits baha’is.

Pensez-vous que le contexte a contribué à faire de vous un perpétuel voyageur, ou que vous aviez ça dans le sang, l’auriez fait aussi maintenant ?
Je ne suis pas un vrai voyageur, mais plutôt un perpétuel étudiant. C’est une insatiable curiosité d’esprit qui m’a mené de par le monde. Le désir d’apprendre, de comprendre. Rien ne me fait plus « planer », même aujourd’hui, que ce que j’appelle une « première », c’est-à-dire découvrir une chose nouvelle jamais vue auparavant. Mon défaut est que je veux voir par moi-même !
J’ai été remonté au départ pour la recherche. Je n’y peux rien !
Au fond, ce qui me fait vibrer n’est ni le kilométrage, ni l’aventure mais la rencontre du cœur de l’homme.
Je ne cherche pas l’aventure, mais c’est elle qui me cherche indéniablement. Mon style de voyage y contribue certes.

Le goût de l’aventure, de la nature et de l’Autre, est-ce forcément à l’échelle mondiale ? Pourquoi la Terre, petit caillou dans l’Univers, quand on n’a pas assez d’une vie pour explorer un seul pays ?
La connaissance recule toujours devant soi. Plus on apprend, plus on a à apprendre.
Plus on sait, plus on comprend qu’on ne sait rien.
En visitant tous les pays du monde, je n’ai pas voulu connaître à fond chaque pays dans ses détails, mais avoir une idée globale de l’ensemble. Et savoir inconsciemment si les hommes seraient un jour capable d’établir la paix ; Je ne suis pas ethnologue. Que les plumes dans le derrière des tribus soient rouges, vertes ou jaunes m’importent peu. J’ai seulement remarqué que dans les mêmes latitudes, ils avaient tous des plumes par là. Voilà.
On sait bien intellectuellement qu’il n’y a qu’une seule espèce humaine. J’ai voulu, peut-être, le vérifier de visu.

ANDRÉ BRUGIROUX, LE PHILOSOPHE

Le monde n’est qu’un seul pays pour qui voyage en ami. Mais comment fait-on l’amitié dans un monde aussi blessé ? Comment fait-on l’amitié quand on ne fait que passer ?
Le voyage dépend d’abord du voyageur.
Un bref regard, un mot peuvent parfois compter plus que toutes les autres heures de l’année. 

Quelle question auriez-vous voulu que l’on vous pose…et quelle aurait été votre réponse !
Est-il possible d’établir la paix ?
Réponse : OUI !

Être un enfant de la Terre, c’est couper ses racines, s’éloigner des siens et vivre en marge de la société : l’altruisme est-il un égoïsme ? 
Je n’ai jamais cherché à vivre en marge de la société. Bien au contraire, c’est elle qui m’intéresse, mais est-on obligé pour autant de moutonner comme la majorité ?
Tous les habitants de la terre sont les « miens ». Donc, je ne me coupe de rien du tout. Enfin, l’altruisme est-il un égoïsme ? Je laisserai cette question aux vrais philosophes qui aiment se disputer !

Suite à un naufrage galactique, vous atterrissez sur une planète sauvage mais fertile, parfaite pour accueillir une humanité nouvelle; Les autres survivants ne sont que des enfants ! Vous partez explorer en solitaire ou prenez cette humanité à refaire sous votre aile ?
L’éducation est la clé. Donc, je chercherais d’abord à guider ces jeunes. 

Vous voyez le monde comme un seul pays et semblez donc remettre en question les barrières que constituent parfois les frontières. Pourtant, vous avez choisi de visiter le monde par pays et trouvez donc un sens dans ce découpage… Peut-on concilier culture nationale et fra-Terre-nité ?
Il ne s’agit pas de renier son héritage, ses appartenances, sa culture. Il s’agit de les coordonner.
Car nous nous retrouvons tous tout d’un coup dans le même bateau.
Ce n’est point d’aimer son propre pays aujourd’hui dont il convient de se glorifier, c’est d’aimer le monde entier.
Un découpage administratif n’en reste pas moins nécessaire pour gérer la planète. Pour les Soviets, un pays ne pouvait se concevoir sans mines, tours de guet, barbelés et tanks autour. Non merci, un pointillé sur une carte doit suffire !

Votre « record » de pays visités peut certes être reproduit (c’est tellement plus facile maintenant), mais le monde que vous avez éprouvé, est-il différent ou mort sous le « progrès » ?
Avant, j’étais l’ami qui vient de loin, l’hôte que l’on vénérait. De nos jours, je suis devenu comme tout le monde, c’est-à-dire une banque ambulante à plumer.
Bonjour le progrès !

ANDRÉ BRUGIROUX, LE TOURISTE

Où avez-vous le mieux mangé ? 
Chez maman. Elle forme l’enfant a une base alimentaire qu’il recherchera toute sa vie. Néanmoins on peut trouver un plat qui plaît dans chaque pays, même en Angleterre ! Toutefois, deux pays ont poussé la cuisine au niveau de l’art : la Chine et la France. L’Italie talonne.

Vous a-t-on déjà offert une Box Evasion ?
Je ne sais même pas ce que c’est. Mon « évasion » à moi a été de sortir de la boîte des conventions.

Quel conseil ou mise en garde pour qui voudrait suivre vos traces ?
Faut être étudié pour ! comme disait Fernand Raynaud. 

Internet et la télévision… Engrais pour l’imaginaire ou un aspirateur à rêves ?
A nouveau, les deux, mon capitaine ! 

ANDRÉ BRUGIROUX, LE SAGE

Après une vie dans tous les sens, avez-vous trouvé le sens de votre vie ?
Tout à fait. Je suis dominé par la planète mercure, le petit dieu ailé de l’Olympe (le facteur des dieux) et j’ai joué mon rôle mercurien en plein : celui d’aller chercher les nouvelles d’abord, puis de les répartir. 

La dernière fois que vous l’avez vu, il habitait où le bonheur ?
Au fond de moi.

Et la paix, vous l’avez déjà rencontrée en vrai ?
Oui, mais il est plus facile de la rencontrer dans certains coins privilégiés et merveilleux de la planète, loin de la vaine agitation des hommes que Place de la Concorde à Paris à 18h.

Si votre existence était une fable, vous lui donneriez quelle morale ?
Savoir se contenter de son sort.

Y a-t-il à vos yeux une communauté ou une culture qui pourrait, devrait inspirer toutes les autres ?
Hum, je n’en connais pas. A chacun d’être en accord avec lui-même, droit dans ses bottes, comme on dit.

Enfin, puisque les Bretons auront la primeur de cet échange…On dit les Bretons très voyageurs… Mythe ou réalité ? En avez-vous croisé beaucoup sur les routes ?
Non, cela ne me semble pas être un mythe. Le lieu géographique les porte au voyage et l’histoire a prouvé que les Bretons ont contribué le plus aux découvertes françaises. L’horizon de la mer est un constant appel. Ce n’est pas le cas en Auvergne d’où je suis originaire et où celui qui quitte son pré est traité de « fort caillou » ! Dans ma famille, on n’a toujours pas compris les Brugiroux qui ont émigré au Canada en 1900 ! 

La dernière édition de votre livre La Terre n’est qu’un seul pays et Une vie sur la route – chroniques d’un sac à dos sont édités par Georama, excellente maison d’édition finistérienne spécialisée dans la littérature de voyage. Elle édite également le jeune Ludovic Hubler qui raconte ses cinq ans de stop autour du monde. Est-ce la même aventure aujourd’hui ?
Ludovic Hubler est un de mes disciples. C’est mon premier livre La terre n’est qu’un seul pays, entre autre, qui l’a mis sur la route.
Non, aujourd’hui, nous ne sommes plus du tout dans le même monde. En 1955, quand je suis parti, on ne parlait pas de tours du monde, on reconstruisait encore le pays de la guerre. Pas de TV, pas de téléphone, pas de guides de routard, pas d’avion à « rédaction », et oublions internet. Il fallait un visa pour l’Espagne, l’Allemagne, l’Angleterre. Je n’ose même plus parler aux jeunes de cette époque-là. Ils me prennent pour l’homme de Cro-Magnon.
On avait au moins le plaisir de la découverte.
Aujourd’hui, on sait tout avant d’y arriver.
Avec Internet, un divan peut même vous attendre gratos dans chaque endroit de la terre. Et avec Skype, on peut chialer auprès de maman chaque matin en se regardant dans les yeux de partout dans le monde que son café n’était pas bon. 


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