Tant de suspense, tant de rebondissements : avons-nous jamais autant été tenus en haleine que par cette série à la française ? Une version échevelée – mais en fin de compte singulièrement moins drôle – d’un Fais pas ci, fais pas ça, transposé dans les hautes sphères de la politique. 


Le scénario est tellement alambiqué et les péripéties improbables, que la notion d’une réalité qui dépasse la fiction prend ici toute sa mesure. Aucun auteur n’aurait pu tirer un tel scénario de sa seule imagination sans qu’on lui reproche d’avoir accouché d’une histoire parfaitement invraisemblable…

Si François Fillon ne s’était pas avéré lesté de si pesantes valises – ou de si bruyantes casseroles -, il serait très probablement devenu le huitième président de notre République. Et sans doute la campagne présidentielle aurait-elle été plus morne. Sur France 2, nous avons assisté la semaine dernière à l’épisode de son monologue défensif. L’homme semblait imperturbable, s’évertuant à plaider sa cause « d’homme ordinaire » dans un costume de antihéros taillé sur mesure. L’un de ces costumes peut-être qui entre montres et emplois fictifs, falsifications et mises en examen (la dernière concernant l’épouse de notre antihéros), constitue le ressort principal de la Saison 2 de notre saga présidentielle. Après le sexe (Saison 1 diffusée il y a cinq ans), l’argent donc. Rien de bien nouveau sous le soleil du politique.

Antihéros

Il n’en reste pas moins que demeurer aussi droit dans ses bottes sous le feu nourri d’un unanime opprobre réclame un aplomb certain. Voire un certain courage. Inflexible et déterminé, Fillon ne se démonte dans aucune situation. Alors même qu’on s’acharne sur la bête, il affiche un profil quasi-christique de victime transcendée par une mission supérieure. Sa mission ? Sauver le pays. Ni plus, ni moins. En jugulant et la dette et le chômage. Il est vrai que les chiffres font peur. Et pour ce faire, l’homme ne mégotera pas. Sans ciller – le bougre -, il assène à ceux qui réclament et qui souffrent, que seul leur sacrifice permettra d’atteindre cet objectif. Dans la circonstance, sa principale force est sans doute ce dont il n’a plus à se préoccuper : plaire.

Accusations, trahisons, ralliements…

Au casting, nous avons donc l’insoumis qui fédère, tribun dopé à l’adversité qui tient le devant de la scène, et qui sait parfaitement y faire. Un jeune premier qui ne cesse de monter et qui veut s’affranchir des règles de l’ancien monde biparti et en proposer de nouvelles pour un nouveau monde que l’on a toutefois – comme lui, vraisemblablement -, bien du mal à cerner. Un idéaliste qui face aux considérations d’ordre pragmatique finit par ne plus faire rêver grand monde et s’essouffle en même temps que les membres de son équipage désertent le navire. Une démagogue qui tente d’enjôler et qui, malgré des solutions aussi trompeuses que radicales ne passe aujourd’hui plus pour « la méchante » de service puisque preuve est faite que l’on a fini par l’accepter dans l’aire démocratique.

En arrière fond, quelques « silhouettes », comme on dit au cinéma. Celles de ceux qui ne sont pas vraiment des figurants mais auxquels on a attribué les « petits rôles » de seconds couteaux…

De fait, dans l’arène de ce qui est aujourd’hui devenu plus un spectacle que la confrontation de projets véritables, la place pour un vote d’adhésion n’a jamais été aussi congrue : le vote 2017 se fera donc par défaut. Ou ne se fera pas. Éventuellement par peur des dérives inhérentes aux turpitudes de ce très improbable scénario présidentiel.

Où l’on s’attend d’ailleurs encore à de nouveaux rebondissements qui viendraient une énième fois changer la donne. Dans ce jeu pathétique qui nous tient aujourd’hui lieu de démocratie – ou a minima d’une expression de la démocratie -, on ne peut que redouter ce que la démocratie précisément y perdra. Car il est difficile d’imaginer que les scénaristes et acteurs de cette mauvaise fiction parviennent à nous gratifier d’un happy- end.

Rendez-vous en mai pour l’épilogue.

Michel Ogier

NDLR
Au delà d’une présidentielle qui va certainement redonner 5 ans de pouvoir d’achat aux vielles gloires du hollandisme (merci la machine à recycler Macron), n’hésitez pas à aller au cinéma voir le documentaire sur le groupe marseillais Massilia Sound System. Le rapport ? Le réalisateur Christian Philibert le montre admirablement bien : il existe une voie alternative et locale. Et le portrait d’un groupe devient un hymne à la culture provençale bien vivante, alternative et soucieuse de la différence et de notre terre. Notre cœur breton se sent un peu moins seul. Et les présidentielles semblent un grand cirque parisien qui s’éloigne un peu plus chaque jour de notre réalité et de nos priorités.

Massilia Sound System le film, dans les salles le 5 avril

  


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