Keith Richards caché derrière la fumée de sa cigarette, Clint Eastwood les sourcils froncés et l’œil ailleurs, Michel Houellebecq, l’air naïf et enfantin, Chet Baker et sa compagne Diane Vavra, émouvants à pleurer, David Lynch, exemple de son « inquiétante étrangeté »… Richard Dumas, aussi discret que ses modèles sont stars, est un photographe d’une mélancolique profondeur. Collaborant au Monde, à Télérama et Libération, il a aussi réalisé les pochettes de disques de Miossec, de Dominique A, des Tindersticks ou d’Etienne Daho qu’il a connu à la grande époque du Rennes musical de la fin des années 70, où il vit encore, « capitale provinciale » qu’il adore. Entretien breton…


Je crois que vous êtes né à Paris. A quelle époque de votre vie avez-vous découvert Rennes et la Bretagne ?
Vers l’âge de sept  ans, mes parents déménageaient.  

En avez-vous des souvenirs d’enfance fondateurs ?
L’aquarium de Saint-Malo avec ses hippocampes, les hot-dogs de la plage de Dinard…

La région a-t-elle eu pour vous autant d’importance que Rennes ?
Rennes c’était l’école, la Zup, alors oui, la Bretagne a eu une importance…

Vous avez participé à la grande époque musicale de Rennes, à la fin des années 70. Quelles personnalités sont à l’origine de ce bouillonnement culturel selon vous ?
Stivell et Dan Ar Braz qui remplissent l’Olympia.
La MCR (Maison de la culture de Rennes) avec Cherif Khaznadar (directeur de 1974 à 1972), puis Hervé Bordier, un rennais de souche (fondateur des Transmusicales), plus une grosse dizaine d’illuminés qui ont fondé des groupes. 

Cet âge d’or a-t-il eu une fin selon vous ?
L’âge d’or, c’est toujours quand les choses débutent. 

Cette culture musicale, en Bretagne, est-elle toujours selon vous aussi vive ?
Plus généralement, la production artistique bretonne est-elle intéressante et prolifique ?

Les gens sont étonnamment cultivés ici. C’est vrai : il y a une curiosité incroyable. Pour les groupes, il y en a tellement… ! Comment faire pour les citer ?! Elle est trop dense pour ça.

Vous voyagez beaucoup mais êtes resté fidèle à Rennes où vous habitez. Qu’y trouvez-vous d’essentiel que vous ne pourriez vivre ailleurs ?
J’aime ici le souci d’une production alimentaire naturelle saine chez de nombreux maraîchers, l’activité musicale insatiable, et puis le côté capitale provinciale j’adore. 

Rennes et la Bretagne ont-ils une part dans la naissance de votre art et de votre talent ? Votre parcours artistique aurait-il été différent ailleurs ? 
Forcément oui, j’ai grandi d’un côté avec mes études de robotique, avec la Technopole de Rennes – n’oublions pas que le centre est connecté en réseau câblé depuis près de 20 ans alors qu’à Paris de nombreux endroits ne l’ont toujours pas.  Et de l’autre j’ai accompagné la naissance du rock à Rennes avec les amis Bordier, Marquis de Sade et les Nus. C’est marquant, et porteur. 

Vous considérez-vous comme un artiste breton ? Vous sentez-vous breton ? Comment le définir ?
Donc oui, je me sens plus breton que parisien, mais français avant tout. J’aime bien d’ailleurs les snober les parisiens !

Une rencontre d’un artiste dont vous avez réalisé des portraits en Bretagne a-t-elle été importante pour vous ?
Oui, dernièrement, j’ai fait une rencontre fondamentale avec Taylor Kirk de Timber Timbre. On a passé une sacrée nuit chez l’Arsouille. Le genre de truc impensable ailleurs.
Et puis le premier mec qui m’ait fait confiance pour une pochette d’album, c’est Miossec de Brest ! On a fait Boire, puis Baiser, 1964 et enfin Finistériens

Connaissez-vous bien toute la Bretagne ?
Pas du tout, je ne bouge pas beaucoup de chez moi en fait.

Comment l’aimez-vous ?
C’est un endroit que je peux me permettre de détester parfois car je l’aime. 

Quels sont les lieux en Bretagne qui ont votre préférence ?
Les monts d’Arrée et Saint Lunaire. Lennon aussi, près de Quimper

Aimez-vous particulièrement une personnalité bretonne, artiste, homme ou femme politique, personnage historique… ?
Napoléon ! Je blague même s’il paraît qu’il y a une thèse le disant moitié breton par sa mère. Née dans le Léon !

Une œuvre d’un breton vous a-t-elle marqué ?
Sur la route de Kerouac.

Y a-t-il un restaurant que vous aimez particulièrement ?
L’Arsouille.

Un bistrot ?
Oan’s Pub.

Une salle de concert ?
Salle de la Cité.

Un festival ?
Élixir. (Festival monté par Gérard Pont dans les 70’s, ndlr)

Une plage ?
La plage de saint-Briac (sur-Mer).

Quels seraient selon vous les caractéristiques bretonnes, chez les hommes ou dans les lieux ?
Tendres comme le granit.

Si vous ne viviez pas à Rennes, où pourriez-vous vous installer ?
Lisbonne 

Peut-on citer une actualité particulière ?
Une exposition le 9 septembre à la galerie Polka (qui représente Richard Dumas, distribué par l’agence Vu), Paris, jusqu’à fin octobre. 

Propos recueillis par Grégoire Laville
Photo : Thierry Dussard


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