Ce jour-là, le coli pour New York ne contenait pas les invendus d’un certain Barry White, mais le fameux Love in C Miror de Cerrone. Simple erreur d’un renvoi de disques. Les trois cents copies font le tour des discothèques de la ville. On connaît la suite. L’année suivante, l’album Supernature se vendra à 10 millions d’exemplaires dans le monde. Autant d’anecdotes que raconte le musicien dans son autobiographie Cerrone Paradise.

Jérôme Enez-Vriad : Cerrone Paradise est votre seconde autobiographie. La première, … Et pourquoi pas la Lune, est parue en 2004. Que contient celle-ci de nouveau ?
Marc Cerrone : Ces quinze dernières années ont été très importantes pour moi. En outre, contrairement à la précédente autobiographie qui était une simple narration,  j’ai souhaité que Cerrone Paradise se lise comme si nous étions dans un salon autour d’un bon feu de cheminée, un verre à la main ; je raconte les anecdotes qui ont jalonné ma vie dont certaines ne figurent pas dans le premier livre.

Vous évoquez votre enfance, votre père fuyant le mussolinisme ; qu’y a-t-il d’Italien en vous ?
MC : Mon nom, bien entendu, également un sens familial profond, et des valeurs qui, du reste, n’appartiennent pas seulement aux Italiens, mais mon père et ma mère y étaient très attachés. J’essaie de les transmettre à mes enfants.

On a le sentiment que votre devise pourrait-être « Toujours plus haut… »
MC : Non, je n’ai jamais été motivé par le fait d’aller toujours plus haut, moins encore aujourd’hui qu’hier, mais j’ai toujours travaillé très dur pour être à la hauteur des opportunités qui se présentaient. Évidemment, un succès en amène un autre… à condition, j’insiste, de travailler.

Votre musique est « jouée », ce qui peut paraître étrange à une époque où l’on utilise de plus en plus des boites à rythmes ; ne pensez-vous pas que l’on arrive à saturation des samples, boites à rythme et autres ?
MC : Je me garderais bien d’évoquer une manière de créer qui puisse être « en saturation » de quoi que ce soit. Certains ont évoqué cette saturation concernant la disco, il y a plus de 40 ans. Tant que de nouveaux talents apporteront leur valeur ajoutée aux œuvres d’hier, je suis preneur.

On vous a souvent opposé à Jean-Michel Jarre alors que vos démarches paraissent différentes…
MC : Les comparaisons relèvent de clichés très français à vouloir mettre les gens dans des cases.      Jean-Michel est un copain que je respecte beaucoup. Il a sa propre identité musicale. En ce qui regarde le mienne, j’ai toujours voulu me démarquer des autres, exactement comme le firent les créateurs des années 70, quelque-soit leur discipline : mode, peinture,  musique…, chacun essayait de faire autre chose que ses « confrères ».

Dans ce livre, vous faites pour la première fois référence à certaines addictions.
MC
 : C’est une période de ma vie qui aura duré 3-4 ans. La seule dont je ne suis pas fier. M’être laissé piéger par cette merde n’est pas glorieux. Quelque-soit la drogue, tout devient faux.

La pochette de Cerrone’s Paradise illustre une femme nue sur un réfrigérateur au pied duquel on observe un sachet de cocaïne éventré…
MC : (Rires) Ce n’était pas de la cocaïne, mais un pot de yaourt tombé du réfrigérateur. La position inconfortable du mannequin en déséquilibre le faisait bouger, la porte initialement fermée s’est ouverte, un yaourt est tombé. Certains l’ont pris pour de la coke. Un scandale à l’époque ! Ça  m’amusait beaucoup. C’était mon côté provoc’.

Après la cocaïne, 1987 fut l’année de votre reconstruction. A ce titre, vous évoquez vos valeurs : la famille, le travail, la fidélité… Sont-elles les mêmes aujourd’hui ?
MC : Elles ont évolué dans le bon sens, en respect de ce que m’ont transmis mes parents, comme nous l’évoquions tout à l’heure.

Y-a-t-il des mouvement ou artistes qui vous séduisent dans la production actuelle ?
MC : Le mouvement DJ laissera une empreinte indéniable quant à la manière de produire de la musique. Certains sont des producteurs extrêmement audacieux et originaux.

Le retour du disque Vinyle est-il une bonne chose ?
MC : Tous mes albums sont sortis en vinyle.  La jeune génération découvre ce format et tant mieux car le son est excellent.

Vous avez une galerie d’art sur internet. Écrivez-vous avec vos pinceaux comme vous composez avec la musique ?
MC : Pas tout à fait, parce que je n’utilise pas de pinceaux, mais des couteaux, et c’est avant tout une expression festive, non pas en prolongation d’une composition, mais plutôt comme lorsque je suis sur scène. Le continuum est davantage de cet ordre.

Peut-on acheter ces toiles ?
MC : Bien entendu, sur le site. Cela fera plaisir à ma femme qui  m’a incité à les présenter au public. Pour tout vous confier, chaque fois qu’elle en vend une cela m’attriste un peu car je peins sans aucune arrière-pensée matérielle.

Vous terminez votre confession ainsi : « La chance, on la saisit plus facilement quand on la guette. » La jeunesse actuelle est souvent désespérée, si vous aviez un conseil à lui donner…
MC : « Ayez des rêves assez grands pour ne pas les perdre de vue quand ils s’éloignent »,  disait Oscar Wilde. Dans ce livre, j’explique ce qui me semble être la bonne attitude face aux opportunités. Il faut oser. OSER. Écrivez-le en majuscules. Et faire du mieux possible. Transformer les barrières qui se présentent en escabeaux pour aller plus haut.

La « facilité » des années 70/80 est souvent mise en opposition aux difficultés actuelles, alors qu’il me semble que ce début de millénaire justifie bien davantage d’opportunités qu’il y a 40 ans…
MC : Je suis tout à fait d’accord avec vous.

Votre nouveau single sort dans quelques jours sous le nom de Kongas, qui était celui de votre premier groupe…
MC : Oui, il sort le 4 mai. Kongas 2018 a la même fibre et la même émotion afro-rock qu’à l’époque. J’en suis très fier ! En concert, ils sont exceptionnels.

Vous dites que c’est une manière de boucler la boucle, cela veut-il dire que Cerrone en disque c’est fini ?
MC : Bien sûr que non. Le jour où j’arrêtai de faire de la musique n’est pas arrivé. Pour preuve, je sors mi-juin un nouveau single dont le titre est Papa Oyé, feat. Manu Dibango.

Si vous aviez le dernier mot, Marc Cerrone ?
MC : Je suis le premier surpris de mon parcours.

Propos recueillis par Jérôme Enez-Vriad

Entretien réalisé le 02 mai 2108 à Paris
© Jérôme Enez-Vriad et Bretagne Actuelle

Cerrone Paradise – Autobiographie
Éditions E/P/A – Hachette
252 pages – 19,90 €

Site officiel de Cerrone
Gallery de Cerrone

 

 

 

 

 

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