Revoir Gaston Chaissac. Toutes les occasions sont bonnes. Hélas trop rares. Courir donc aux Sables d’Olonne, au MASC. On met aujourd’hui un sigle aux musées du monde, sans doute un effet de mode afin de tirer la bourre aux MUCEM, Moma et autre LAM ou LACMA ! Bref, au Musée de l’Abbaye Sainte-Croix des Sables, un récent prêt d’Annie Chaissac nous donne à voir rien d’autre que l’enfance de l’art !


L’art de Chaissac est une enfance qui toujours se rejoue. C’est un art non pas au commencement mais en recommencement constant. On retrouve dès le départ la recherche comme pierre d’achoppement. L’édifice tient debout à partir de cette pierre et jusqu’à cette pierre. Elle est d’ailleurs exposée, la pierre peinturlurée, un morceau de caillasse, ou un fond de lessiveuse ou un portrait en panier écrasé. Ou des mots dans des lettres, sur des enveloppes, qui tournent, boulent ou carrément bouleversent.

Aux Sables, deux grands totems emblématiques et surtout le vivant, le vivace, le vibrant, le douloureux Chaissac pour qui tout fait œuvre. Sans doute l’est-il lui-même, le grand échalas à casquette, présenté ici dans toutes ses étapes, sous toutes ses coutures. L’expo s’intitule Chroniques et le donne à voir une année après l’autre. Il y a la folie chronique, il y a la chronique des jours et il y a l’art chronique ! Depuis 1938, il balbutie, il essaie, il déforme déjà et transforme. Puis la guerre. Puis les sanas pour cet énergumène au souffle court mais à la langue non pas maternelle mais peinte, écrite, en recherche permanente de nouveau.

Il peint en mots ou écrit en peinture. Des fois on voit des chinois qui posent, presque toujours des têtes qui s’exfiltrent, la matière chaissaquienne parle de nous, nous dévisage, expose le multiple. On sent les influences de Gleizes qui le conseille, ou de Otto Freundlich qui ne reviendra pas de déportation. On voit l’après-guerre, le combat contre Picasso, les défis à toutes les références, le rêve régional d’y être, d’en être et pas de ceux qui courent les salons, flirtent aux vernissages ou peignent le petit doigt en l’air. On va jusqu’aux dernières années, la peinture s’allège un peu des cernes, les formes se parlent et l’écriture, toujours elle, moins confuse, toujours drôle malgré l’effort de vivre.

Chaissac règne sur les mots comme il règne sur les couleurs : en les combattant, en les concassant, en les désorganisant. Son écriture torturée est drôlissime : témoignent quelques lettres dans les vitrines. Son rythme cardiaque devait être vif, voire accéléré, le jour et la nuit, son pas dans les labours immenses tant son labeur témoigne. Chaissac est un hyperactif, un indocile, un insolent. Son poème est sa ritaline, ses œuvres son ordonnance. Ses ramassages de cailloux ou de tôles, d’écorces ou de papiers peints s’avèrent la peau sur ses os.

Voir ensuite dans le musée, dans ses salles permanentes, le beau portrait de Bazelitz, le peintre allemand magnifique de la génération d’après, qui se réclame de Chaissac et, c’est assez rare, que le Vendéen d’Avallon fasse école, lui l’anti-scolaire marié à l’institutrice Camille. Y trouver aussi le tableau de Dubuffet, le compagnon de route, l’ami absolu (donc compliqué) qui le fournit en papier et aussi en complication !

Conseil final, voire prescription, quand, au début de l’hiver, on se sent moyen : passez la journée aux Sables, que de la joie !

Gilles Cervera

Exposition Gaston Chaissac jusqu’au 14 janvier 2018
Musée de l’Abbaye Sainte-Croix
Rue de Verdun – 85100 Les Sables d’Olonne
Tél : 02 51 32 01 16
[email protected]

Musée de l’Abbaye de Sainte-Croix des Sables d’Olonne

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