Quelque 25 ans d’entretiens et de chroniques relatifs aux Beatles parus dans Rock&Folk : c’est ce que ce livre de Jérôme Soligny rassemble. Musicien, écrivain, journaliste, spécialiste des Fab Four, il a rassemblé ses textes, dans des versions parfois plus longues que les publications originelles, qu’il fait précéder d’introductions resituant le contexte. On y lit d’abord des articles complets d’un érudit qui veut s’approcher de la vérité des faits, avec la précision d’un historien musical. With the Beatles est aussi un recueil d’interviews, notamment de Paul McCartney, mais aussi de Yoko Ono, Sean Lennon, Olivia Harrison, et de nombreux membres de l’entourage des Quatre de Liverpool. Certains ont connu leurs débuts, d’autres les ont accompagnés et racontent à merveille les moments essentiels où les choses se sont fabriquées. On y croise ainsi Georges Martin, « monument vivant de la production pop », qui considère les carrières solo des Beatles « plutôt bonnes » mais n’arrivant « pas à la cheville de ce qu’ils ont accompli ».  Illustré par les dessins évocateurs de Fred Peltier, ce With the Beatles propose une vision personnelle, issue d’un regard transversal essentiel à la compréhension d’un groupe « qui est dans tout».  Entretien.


Dans cette somme sur les Beatles qui réunit tes textes et interviews depuis 25 ans, tu n’as pas souhaité de photos hormis celles de la couverture mais tu as préféré des illustrations de Fred Peltier. Pourquoi cela ?
Aujourd’hui, malheureusement, si on tape Beatles dans n’importe quel moteur de recherche, on a des millions de photos. Moi j’ai grandi en n’en voyant pratiquement pas, hormis les pochettes de disques. Il y a maintenant une surabondance, de tout, et aussi de ça. Donc, joindre un cahier photo central, ça ne donnait pas grand-chose et j’ai trouvé que c’était superflu. Si on veut voir de très belles photos des Beatles, il suffit d’acheter les bouquins de grands photographes !
Avec ces illustrations, j’ai trouvé ce compromis qui me donnait l’occasion de travailler avec quelqu’un dont j’affectionne le style. Et puis, on ne pouvait pas avoir des photos de certains événements que j’ai pu vivre, donc c’était rigolo qu’il les dessine ! Je les ai scénarisés. Par exemple, le dessin de Yoko Ono qui ouvre la porte au Ritz, c’est vraiment la scène que je lui ai décrite.

La seule photo, sur la couverture, est particulière pour toi ?
Elle correspond à la période où j’ai découvert le groupe, alors qu’il venait de se séparer. Les premiers 45 tours que ma mère m’a offerts, qu’on voit d’ailleurs dans les pages de garde – ce sont les miens– sont ceux de la fin du groupe. C’est la première image que j’ai eu des Beatles,

Est-ce que tu peux me rappeler la façon dont tu as découvert le groupe ?
Je fais partie de ces enfants qui ont eu une chance énorme. C’est à dire qu’au milieu de la misère « variétère » de la fin des années 60 et du début des années 70 en France, il y avait des parents qui achetaient à leurs enfants des 45 tours des Beatles ou de Michel Polnareff plutôt que de Daniel Guichard ou de Mike Brant… Ma mère était très amatrice de pop music et mon père de jazz, donc j’ai quand même été élevé dans un milieu où il y avait beaucoup de musique – que je n’aimais pas d’ailleurs. Quand on est ado, on n’aime pas la musique de ses parents, sinon ce n’est pas drôle, mais j’ai appris à l’apprécier. Donc c’est elle qui m’a offert ces disques que j’ai découverts et que j’ai écoutés avec elle d’ailleurs au début ! 

Tu te souviens de la première écoute ? Ça a été un choc immédiat pour toi ?
Ah certainement ! Mais c’était un mélange : visuellement aussi c’était très fort, notamment la pochette de Get Back/Don’t Let Me Down sur laquelle ils avaient un look incroyable. Les lettrages étaient un peu pop. Ça sortait d’un ordinaire qui était celui de ma ZUP, dans laquelle j’ai grandi avec plein de bonheur d’ailleurs !  Mais tout d’un coup, les Beatles, ça avait l’air d’être un truc coloré, chamarré…

Le fait que tu les découvres à la fin du groupe, est-ce que ça a une incidence sur ce qui va devenir une passion pour toi ?
Je fais partie de cette génération qui est née un peu après la bataille… Mais il y a pire aujourd’hui : je connais des gens qui ont 25 ans et qui sont fans de la même musique que moi ! Alors eux pour le coup, ils n’ont rien vécu du tout, même pas la fin… Je pense que ce qu’on a reçu sur le plan culturel entre l’âge de 9 et 18 ans, ce sont des choses qui restent ancrées à jamais. Quand en plus, comme moi, on a eu la chance de découvrir très tôt les meilleurs, c’est encore plus fort… Alors forcément c’est un peu « piégeux » parce qu’après tu peux passer ta vie à trouver que le reste est moins bien, et à essayer de découvrir  des trucs aussi forts.  Même si la quête peut paraître vaine.

Tu dirais que les Beatles, avec Bowie, sont à l’origine de ta passion pour la musique ?
Oui, les Beatles, pour moi, c’est le groupe universel par excellence : le groupe qui sort un album comme le double blanc, capable d’y mettre tous les genres musicaux qui existaient à l’époque et qui existent toujours aujourd’hui… Les Beatles c’est un monde en soi. Et puis il y a aussi le fait que très tôt je me suis intéressé à leurs personnalités que je trouve fascinantes. Il y avait de la matière avec les Beatles, surtout à une époque où tout n’était pas servi par Internet. Il fallait vraiment faire un boulot, aller chez le bouquiniste, acheter la presse rock, la presse anglaise… C’était formidable de ne pas avoir tout à disposition. Maintenant, tout est complètement banalisé.

Justement, dans ta façon de travailler, on sent autant que dans Writing on the edge (25 ans d’écrits rock, éditions de La Table ronde, 2014), que tu es avant tout musicien. On voit l’importance que ça prend dans tes descriptions qui sont précises, dans ton travail qui est parfois proche de celui d’un historien musical. C’est comme ça que tu envisages ton travail de journaliste ?
En fait j’écris ce que j’aimerais bien lire. Ce qui m’intéresse, c’est qu’on me raconte des histoires sur cette musique-là : comment ont été faites les choses. Je ne suis pas particulièrement attiré par les histoires de couples ou les histoires de drogue, à moins qu’elles aient un rapport direct avec la musique ! On ne peut pas parler de Syd Barret par exemple sans parler de drogues mais j’ai un rapport à l’artiste qui est essentiellement musical. Et ce qui est sûr, c’est que ça a changé la perception que les artistes que je rencontrais avaient de moi. David Bowie me disait : « On voit bien que tu es musicien ». Une des dernières discussions que j’ai eues avec lui évoquait le fait qu’il transposait les chansons parce qu’il était plus à l’aise à les chanter plus bas que dans les tonalités dans lesquelles elles avaient été écrites. Il m’avait dit à la fin : « Je te promets que personne ne va jamais parler de ça… » Mais forcément pour moi c’était saisissant. Donc le fait d’être musicien à la base a une incidence.
Et, n’ayant pas l’impression d’avoir un style littéraire, je préfère passer un temps fou à essayer d’être au plus proche de la réalité historique.  J’essaye effectivement, de plus en plus, d’avoir une démarche d’historien. Et puis ça m’énerve quand on répète en permanence les mêmes bêtises. J’ai par exemple beaucoup travaillé sur le château d’Hérouville : lire que les Bee Gees y ont enregistré la BO de Saturday Night Fever, ça m’agace parce que c’est faux ! Mais j’apparais souvent comme le vilain petit canard, parce qu’en fait les gens préfèrent la légende.
En France, tout le monde injurie depuis toujours Yoko Ono comme si elle avait fait se séparer les Beatles ! Ce qui est bien sûr faux. Dans With the Beatles, elle dit elle-même ce qui devrait clouer le bec à tout le monde : « Penser que Linda et moi aurions pu détourner des personnalités aussi fortes que Paul et John de ce qu’ils avaient envie de faire est stupide ».
Et d’ailleurs je trouve que penser que les musiciens auraient pu se séparer à cause d’autres personnes, c’est aussi leur manquer de respect à eux.

Une mythologie avec des contre-vérités te paraît inévitable ?
J’en suis témoin tous les jours. On sait tous que Marc Bolan (leader du groupe T Rex, mort dans un accident de voiture en 1977) n’est pas mort en percutant un arbre, mais il y a des gens qui continueront à le dire toujours. La voiture n’a pas percuté un arbre : elle a percuté un poteau et après elle s’est arrêtée près de l’arbre. Alors on va dire : « Quelle importance ? » Pour moi c’est ça l’important : ce sont des petites rivières qui font des grands fleuves. Il n’y pas de détails. Quand je lis des ouvrages de grands spécialistes de la musique, c’est ce qui m’intéresse.
J’estime être tout simplement un musicien qui écrit sur la musique, au plus proche de la vérité. Par exemple, j’ai raconté dans un article l’histoire des pressages (de disques) américains : j’ai grandi avec des aînés qui disaient toujours que les pressages américains étaient mieux. Et en fait, on se rend compte que la notion de pressage américain, en ce qui concerne les Beatles et finalement tous les groupes américains, n’existe pas vraiment, puisqu’il n’y a pas un seul pressage américain ! Donc ça ne rime à rien, puisqu’un disque pressé à New-York n’avait pas le même son qu’un disque pressé à Los Angeles. C’est un travail de fourmi en fait. Mais ce n’est pas fait pour les spécialistes. Je considère que quelqu’un qui préfère savoir la vérité plutôt que des bêtises, ce n’est pas forcément un spécialiste, c’est quelqu’un qui veut juste se documenter.

Tu apportes un regard un peu transversal sur le groupe, qui est vu un sous un autre angle, avec toutes ces rencontres avec des gens de son entourage ?
Je considère qu’il y a deux façons de parler d’un groupe. C’est parler avec les membres de ce groupe si on peut, ou avec des gens qui ont travaillé avec eux. Ils sont bien placés pour savoir comment ça s’est passé. Je trouve que c’était intéressant d’avoir le point de vue de Tony Sheridan qui était avec eux à Hambourg (ndlr : entre 1960 et 1962, les Beatles ont joué beaucoup dans des clubs de Hambourg) et qui sait exactement de quoi il parle.
Pour moi, il n’y a pas d’angle ridicule, et surtout pas de petites personnes.
Je ne considère absolument pas qu’un ingénieur du son qui donne son point de vue, c’est inintéressant. Je pense même le contraire. Des fois, les grands, quand on leur demande des choses, rabâchent toujours un peu les mêmes histoires.

Dans le livre, on voit que tu rencontres les différents membres du groupe ensuite pendant leur parcours solo que tu suis. Est-ce qu’ils sont aussi importants pour toi ?
Il n’y a rien de plus fort que ce qu’ils ont fait tous les quatre. Mais c’était tellement fort que ce serait dommage de ne pas s’intéresser à ce qu’ils ont fait séparément. C’est un peu ça qui m’anime.
McCartney a fait des choses absolument sublimes en solo, Lennon aussi. George Harrison aussi même s’il y a un » ventre mou » dans sa discographie. Ce serait mentir que de dire le contraire. Et Ringo (Starr) est tout sauf un singer-songwriter. C’est évident que ses disques sont plus ou moins bons selon les gens avec qui il travaille. Mais aimer un groupe, aimer un artiste, c’est aussi suivre son développement. Moi, je vis avec une cinéphile qui s’intéresse toujours à ce que fait Woody Allen, parce qu’elle l’a adoré quand elle était jeune.

L’ombre de John Lennon plane sur With the Beatles.  On ne peut pas s’empêcher de penser que tu as toi-même forcément songé, même en rêve, à une interview idéale de John Lennon ?
Oui, je le dis dans Writing on the edge : j’en veux à Marc Bolan et John Lennon d’être décédés avant que je sois journaliste, parce que j’aurais adoré leur parler. Et en même temps, pour moi, il n’est pas mort John Lennon, c’est aussi simple que ça. Je ne peux pas le dire autrement. Je ne l’ai jamais rencontré, mais s’il vivait comme un reclus à New-York, je ne le verrais pas plus. J’ai beaucoup vu Yoko, qui en parle mieux que personne. Je vois pas mal Sean (Lennon), qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau.

On lit aussi que George Martin est essentiel pour toi. Il est vraiment selon toi l’artisan du son des Beatles ?
Au fur et à mesure que les Beatles progressaient en studio, il en a fait de moins en moins. Mais par choix. C’était non seulement quelqu’un d’absolument génial dans son travail mais aussi quelqu’un d’une modestie à la hauteur de ses qualités. Il m’avait dit d’emblée : « Vous savez, quand on est avec ces deux-là (McCartney et Lennon) dans une pièce, on n’a pas grand-chose à faire ! » Je trouvais ça très beau. Même si on sait que les harmonies vocales de She loves you, c’est lui. A la fin, il les cadrait plus qu’autre chose, il essayait de leur donner les moyens de faire ce qu’il voulait.  Il les a aidés à expérimenter. En 66-67, McCartney a commencé à se positionner presqu’en tant que producteur des Beatles. Mais quand ils n’ont pas travaillé avec George Martin, en fait, ils ont été très déstabilisés. C’est pour ça que le dernier album, Abbey Road,  -qui est le dernier album enregistré par les Beatles même s’il est sorti avant Let it be– a été fait avec George Martin, alors qu’il y avait eu des tensions, que Lennon ne voulait plus en entendre parler. Finalement McCartney les a convaincus en disant que ce qu’ils avaient fait de mieux, c’était avec lui, et qu’il fallait lui faire confiance, même si c’était la dernière fois. Je pense que sans George Martin, Abbey Road aurait été beaucoup moins bien.

Dans ton texte d’entrée du livre, qui date de décembre 99, sur les groupes du 20e  siècle, tu indiques que les Beatles sont « dans tout ». Selon toi, ils déterminent toute la suite des événements ?
Ils ne la déterminent pas forcément, mais leurs chansons sont tellement universelles, on les a tellement entendues, d’une manière ou d’une autre, que je pense qu’ils ont infusé tous les créateurs musicaux de leur siècle. D’ailleurs, j’ai rencontré beaucoup de ces créateurs-là et jamais personne ne m’a dit qu’il était indifférent aux Beatles. Un groupe comme REM doit énormément aux Beatles, pour citer l’exemple d’un groupe américain qui ne vient même pas de New-York ou de Los Angeles (ndlr : mais d’Athens, en Géorgie), mais qui subit une influence très forte, malgré tout. Il y a des suiveurs directs et indirects, mais tous les grands ont été amateurs des Beatles. Et il y a aussi des gens qui ne peuvent pas les supporter, mais c’est aussi une façon de les apprécier. Surtout que ne pas aimer les Beatles, ça ne veut rien dire, un peu comme ne pas aimer David Bowie. On parle d’artistes qui ont quand même couvert à peu près tous les genres, donc on n’aime aucun de ces genres-là ? Ou ils étaient nuls dans tous ces genres-là ? Ça fait quand même beaucoup. Je peux concevoir que la personnalité de McCartney puisse agacer des gens. On a été très affecté du décès de David Bowie, mais je pense que le décès de McCartney secouera la planète musicale.

Tu décris McCartney et Lennon comme « deux caractériels amoureux chacun du talent de l’autre ». C’est fondamental pour toi dans la création et dans le succès du groupe ?
Oui, c’est un groupe fondé sur une vraie rivalité, même ce que je pourrais qualifier de jalousie. Lennon n’embauche McCartney que parce qu’il sait faire des choses que lui ne sait pas faire. Et McCartney convainc Lennon de prendre Harrison qui lui aussi sait faire des choses que Lennon ne sait pas faire. Du même coup il se dit qu’il vaut mieux qu’il les ait dans mon groupe plutôt qu’ils soient dans un autre, ce qui est très malin de sa part. A la fois, il était un peu envieux et en même temps très fier. L’éclairage de Yoko est très intéressant : en fait, jusqu’à la fin, et malgré les embrouilles et les piques, ils ont été très proches l’un de l’autre et trop proches pour que leur relation soit altérée par des querelles d’ego ou de fric. Ils savaient trop à quel point ils étaient bons l’un avec l’autre… Que Lennon ne soit pas quelqu’un de commode, c’est évident, mais McCartney non plus. Le McCartney que j’ai vu, c’était toujours un séducteur, notamment avec la presse, parce que c’est son job. Lennon ne faisait certainement pas autant d’efforts, mais il avait le cœur sur la main. C’est un grand sentimental, avec ce côté un peu écorché, un peu rebelle de faux mauvais garçon, élevé par des femmes, un peu apeuré par les femmes aussi… Une personnalité super intéressante. La combinaison de ces deux-là faisait que le respect était mutuel et l’a été jusqu’au bout. Il y a eu des échanges jusqu’au bout. Certains ont ironisé sur le fait que le jour de la mort de Lennon, McCartney soit allé en studio pour travailler et faire de la musique comme si de rien n’était. Et bien sûr, de tout ce qui a été enregistré ce jour-là, rien n’a été conservé puisqu’il essayait de masquer sa douleur en se disant que le mieux était encore d’aller faire de la musique. Et après on a pu lire à longueur de colonnes à l’époque qu’il aurait dû rester chez lui à se morfondre, qu’il était indifférent parce qu’il était allé faire de la musique… J’ai parlé avec des musiciens qui étaient proches de Bowie jusqu’à la fin, et qui m’ont dit : « Quand David est mort, on est allé en studio faire de la musique, parce que ne pas faire de la musique ce jour-là, ça aurait été vraiment irrespectueux. » Donc je pense qu’il faut éviter les analyses hâtives… Surtout quand il s’agit de personnalités aussi fortes et qui ont traversé ce qu’ils ont traversé. Il faut imaginer ce que c’est que d’avoir traversé cette vague de succès complètement inédits, c’est incroyable ! Ce n’est pas un groupe, c’est une révolution.

Tu as un lien intime au fond avec ce groupe qui fait partie de ta vie. C’est le sens de With the Beatles, c’est toi avec les Beatles ?
Oui, c’est mes Beatles à moi, « moi avec les Beatles », sachant que chacun a sa façon de s’approprier les Beatles et qu’il n’y en a pas une qui est plus respectable que l’autre. C’est ce que j’ai côtoyé, ce que j’ai vécu.

Dans le chapitre dédié à George Martin, tu parles de la pop comme de « ton rock à toi » ? Tu veux dire que ce qui te correspond le mieux doit être qualifié de pop ?
Je ne fais pas trop le distinguo entre les deux. Et ça me fait toujours rire qu’on le fasse. Mais je fais partie des journalistes de Rock&Folk qui ont toujours un peu illustré la couleur pop. Si on dit qu’on est fan des Pet Shop Boys, c’est forcément qu’on aime la pop… Mais pour moi, ce n’est pas si simple que ça. Pour moi, il y a des groupes rock ou très rock qui sont bien plus légers que certains groupes pop. Pour moi, Guns and Roses, c’est une farce à côté de XTC…Le groupe rock qui a une crédibilité, qui se bat pour quelque chose, c’est XTC, et pas Guns and Roses. Et pourtant ils sont considérés comme un groupe rock et XTC comme un groupe pop, un peu intello…C’est pour ça qu’il faut toujours se méfier…
Avant, tout ça s’appelait de la pop musique. Woodstock, c’est un grand festival pop. L’île de Wight, c’était un grand festival pop. Il y avait des groupes de rock, de rythm and blues… J’aime la pop au sens large et je trouve qu’il y a des chansons pop chez la plupart des grands groupes, même des groupes rock.

En France, quand on parle de Daho, que tu connais bien, comme le « pape de la pop », ça lui correspond aussi ou c’est restrictif ?
Etienne incarne ça formidablement bien dans ce pays. Et il a une culture rock pour le coup, c’est le moins que l’on puisse dire. Et je crois qu’il est plutôt Rolling Stones que Beatles. En tout cas, il est sûrement plus Velvet et Pink Floyd que tout ça… Quand je parle de la pop, c’est cette espèce de courant musical dans lequel je baigne depuis que je suis en âge d’écouter de la musique.

Puisqu’on évoque des Rennais, qu’as-tu pensé du concert de Marquis de Sade qui s’est reformé le 16 septembre ?
Je ne vois pas comment ça aurait pu être mieux que ça. C’était intemporel, fort, il y avait une vraie communion avec le public. L’âge des artères n’a pas beaucoup d’importance tant qu’on n’est pas malade. Certains rigolent que les Stones continuent à remplir des salles, mais c’est plein, c’est cher (rires) et on ne force pas les gens à y aller. Et je ne connais pas de performers de 30/35 ans susceptibles de rivaliser avec Mick Jagger… Marquis de Sade incarnait quelque chose à l’époque. Sa musique était à part et elle le reste aujourd’hui. Pour des jeunes, il y a beaucoup à apprendre des groupes de cette génération. Attention, je ne dis pas que les vieux sont tous formidables ! Mes musiciens préférés, depuis 6-7 ans, c’est un groupe de jeunes Américains dont je parle à tout le monde (Portugal. The Man)… Aujourd’hui, ils sont numéro 1 aux Etats-Unis ! Ecouter du classic rock n’empêche pas de s’intéresser à ce qui se passe aujourd’hui… Au contraire. Moi, je ne sais plus trop ce que ça veut dire « moderne ou plus moderne » ou « ringard ou pas ringard ». Ce qui est ringard, c’est ce qui est inconsistant et dans le cas de Marquis de Sade, on ne risque pas d’être gêné par l’inconsistance…

Marquis de Sade pourrait apparaître aujourd’hui et ne serait pas décalé au fond ?
Oui, sauf qu’à mon avis, Marquis de Sade se pointerait aujourd’hui, personne ne les signerait… Je pense même que si David Bowie se pointait aujourd’hui, personne ne le signerait… Avant, il y avait des directeurs artistiques dans les maisons de disques, qui, sans jeu de mots, connaissaient la chanson. De nos jours, il y a des branques illettrés sortis d’écoles à la con, rivés à leur portable, qui sont peut-être très bons dans leur domaine, mais n’ont rien à voir avec la musique… La qualité ne se mesure plus qu’à l’aune du succès… « Si ça vend, c’est que c’est bon… » Que répondre à ça, à part que je ne vis pas sur la même planète ?

Propos receuillis par Grégoire Laville

With the Beatles, 25 ans de reportages, entretiens et chroniques, éditions Glénat, 30€.

Interview : « Qu’on puisse comparer Lady Gaga à David Bowie, est une hérésie qui me glace le sang« .


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