Né en 1964 à Dinan, Dominic Sonic est un « enfant » du punk. Avec le groupe Kalashnikov, il devient une figure du rock à Rennes quand il débute à 16 ans, en 1980, avant de se lancer en solo. Son 6ealbum Vanités#6 est sorti fin 2015. Il nous parle de « sa » Bretagne, de la grande époque rennaise et de son prochain album sur lequel il commence à travailler.


-Vous êtes né à Dinan. Auriez-vous eu le même parcours ailleurs ou la Bretagne a-t-elle été déterminante pour vous ?
Au-delà des hasards de la vie qui m’ont amené à faire de la musique, mon parcours aurait été très différent sans la ville de Rennes et l’influence qu’a pu avoir la Bretagne, en termes d’inspiration. 

-La Bretagne a-t-elle influencé votre musique et vos textes ?
Bien sûr. Même si, au final, il y a assez peu de textes à y faire directement référence, hormis « la folle de St-Lunaire », la région est ancrée en moi. C’est assez inexplicable. En réponse à la même question lors d’une de mes premières interviews, j’avais répondu : l’iode. 

-Qui était justement La folle de Saint-Lunaire (dans l’album Dominic Sonic, Barclay 1991)?
En fait, elle n’était pas folle et je n’ai appris sa véritable histoire qu’au travers du superbe documentaire réalisé par Agathe Oleron La dame de St-Lunaire (que je vous recommande d’aller voir ou de commander en DVD – éditeur Fast Forward , 2016). J’ai écrit cette chanson en me basant sur la légende locale et en extrapolant (ndlr : Jeanne Devidal, marquée par la seconde guerre mondiale et décédée en 2008, était une douce excentrique dont la maison, qu’elle a agrandie progressivement avec des matériaux hétéroclites, était devenue une attraction à Saint-Lunaire. Elle a été détruite en 1991). C’était très étrange d’être confronté à la vérité. J’ai pris la mesure (en rencontrant la famille) de tout le mal que peut faire le qu’en-dira-t-on et de l’importance de l’œuvre de cette femme. Une très belle histoire.

-Existe-il une tonalité rock bretonne ? La Bretagne est-elle une Terre de musique ?
Il n’y a pas, à proprement parler, de tonalité bretonne mais un profond lien entre les groupes. Et, justement, parce que la Bretagne est une source inépuisable de musiques.Ce n’est pas un hasard si notre région a produit autant de groupes qui ont eu une importance nationale, voire internationale.

-Vous jouez avec Kalashnikov aux débuts des années 80 lorsque Rennes est la capitale du rock en France. Était-ce pour vous vraiment un âge d’or ? Qui aurait cessé à un moment précis ?
On peut parler d’un « âge d’or » dans les années 80 (même si d’autres générations ont peut-être le même sentiment), mais il est délicat de décréter sa date de fin. Disons qu’il y a eu une dynamique particulière entre la fin des années 70 et la fin des années 80.

Comment peut-on définir cette période ? Une grande liberté ? Une grande ouverture ?
La synergie reposait principalement sur le fait que la ville accueillait de jeunes étudiants venus d’un peu partout et qu’elle bénéficiait de structures (balbutiantes) pour aider ces nouveaux groupes. Il faut également prendre en compte le climat politique de l’époque et le sentiment de liberté qui en découlait. Nous nous sentions très libres effectivement.

-Comment Rennes a-t-elle pu prendre cette importance selon vous ? Grâce aux groupes et artistes d’alors ? Grâce à son histoire ? Sa proximité avec l’Angleterre ?
Je pense que la mixité (les membres des groupes provenaient de toute la Bretagne, voire de toutes les régions pour se retrouver sur un terreau favorable) est l’un des principaux atouts. Les groupes avaient des influences très diverses (anglaises mais aussi américaines) mais surtout des lieux pour s’exprimer.

-Suivez-vous la scène musicale actuelle en Bretagne aujourd’hui ?
Oui, plus ou moins. Je craque régulièrement sur un groupe et essaye de l’aider lorsqu’il me le demande. Sinon, je suis avec attention quelques jeunes groupes dont « Les Nus » et « Republik » ainsi que la reformation de « Marquis de Sade ».

-Diriez-vous que Marquis de Sade a été précurseur en France ?
Il a effectivement été précurseur à plusieurs titres. Aussi bien le son, que le sens étaient très nouveaux. Lorsque nous sommes arrivés à Rennes, c’était LA référence absolue. Et tout jeune groupe punk que nous étions, nous n’avions qu’une envie : les provoquer. Au final, nous sommes devenus amis, j’ai joué avec des anciens membres du groupe (Frédérique Renaud) et Philippe Pascal nous a fait l’honneur de nous rejoindre sur scène à l’Ubu lors de la reformation des Kalashnikov. Philippe reste, de tous les chanteurs français, le plus charismatique selon moi. J’ai, par ailleurs, participé à l’album de Republik. Disons que c’est devenu la famille… 

-Vous sentez-vous breton ? Et que cela signifie-t-il pour vous ?
Oui, je me sens breton, mais cela n’induit pas de particularité si ce n’est celle de venir d’une magnifique région dans laquelle le FN fait les scores les plus bas en France…

-Vivez-vous toujours en Bretagne ?
Non, je vis à Paris, ma compagne y travaillant, mais je travaille toujours avec des rennais et suis très souvent dans la ville.

-Existe-t-il un lieu en Bretagne qui a votre préférence ?
J’adore la côte d’Émeraude mais toute la côte bretonne est magnifique…

-Aimez-vous particulièrement une personnalité bretonne, artiste, homme ou femme politique, personnage historique… ?
Hannah Arendt, qui comme chacun le sait est née à Dinan (rires).

-Une œuvre d’un breton vous a-t-elle marqué ?
Villiers de l’Isle-Adam, né à St-Brieuc, mais c’est loin d’être le seul et la liste serait trop longue.

Y a-t-il un restaurant que vous aimez particulièrement ? Un bistrot ? Une salle de concert ? Un festival ? Une plage ?
Je peux difficilement ne pas faire de jaloux ! Allez « l’Escale à Corto » à Dinard pour le restau, le bistro de la Cité, la salle de la Cité (ou l’Ubu), les Vieilles Charrues (où je vais tous les ans) et la plage de St-Enogat (à Dinard).

-Pouvez-vous citer des caractéristiques bretonnes, chez les hommes ou dans les lieux, que l’on ne trouve pas ailleurs ?
Le breton sent bon l’algue verte et ne vote pas à droite. Quant aux lieux, il y a tellement d’endroits magnifiques et uniques qu’il est difficile de les nommer tous.

-Quelle est votre actualité ?
Je fais des concerts (dont le festival Art-Rock le 2 juin) et commence à travailler sur le prochain album. 

-Auriez-vous déjà un titre, une inspiration à communiquer pour ce prochain album ?
J’ai des envies très diverses pour le moment. J’ai dans l’idée de faire un album de chansons avec des cordes et du piano mais aussi des choses beaucoup plus expérimentales pour moi (instruments ethniques). Disons que je cherche. J’ai entamé, sur les textes, une collaboration très intéressante avec un grand écrivain français. Mais il est trop tôt pour en parler.

Recueillis par Grégoire Laville
Photo : Richard Dumas


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