Basquiat, Damien Hirst, Henry Moore, surréalisme, design italien… : l’ « artiste total » était aussi amateur et collectionneur d’art depuis longtemps. Une partie de sa collection sera vendue aux enchères. Une occasion de contempler ce qu’a admiré le maître Bowie.


« Bowie vivait par l’art et pour l’art. » Jérôme Soligny, critique musical, conseiller de la rédaction de Rock & Folk, biographe de Bowie qu’il voyait régulièrement depuis le début des années 90, résume bien ainsi l’importance de l’art sous toutes ses formes dans la vie de la légende.

On l’a suffisamment entendu et lu cette année, depuis sa mort le 10 janvier : Bowie est bien plus qu’une rock star, qu’un musicien et un chanteur. Il est ce qui se rapproche le plus d’un « artiste total », changeant sans cesse de facette, s’imprégnant de tout ce qui l’entoure pour le recréer, le transformer, en en tirant les essences qu’il mêlait, sentant instinctivement ce qu’il pouvait faire de l’avant-garde la plus pointue pour l’apporter au monde. De ce point de vue, il a aussi été rappelé durant cette année son influence dans la quasi-intégralité des arts de la fin du XXème siècle, de la musique à la mode et au cinéma et, plus globalement, dans l’évolution des mœurs et de la culture. Naturellement multiple, surdoué, aux influences innombrables, aux motivations et aux pratiques arborescentes, il s’est constitué une collection d’art étonnante dont 400 pièces seront vendues aux enchères par Sotheby’s les 10 et 11 novembre prochain à Londres.

« Éclectique, inattendue, subtile, la collection de David Bowie est un témoignage unique de l’univers privé dont s’était entouré l’un des plus grands esprits créatifs du XXe siècle», explique Oliver Barker, coprésident de Sotheby’s Europe. Celui qui se qualifiait de « collectionneur de personnalités, d’idées » a acquis des œuvres souvent en  dehors de toute cote du marché de l’art, se fiant aux connexions intimes qu’il ressentait. Ses choix l’ont notamment porté vers les artistes anglais tels qu’Harold Gilman, Henry Moore, Graham Sutherland, Frank Auerbach ou Damien Hirst, de la génération des young british artists, dont il a été proche.

Pièce maîtresse de la vente, le tableau Air Power de Jean-Michel Basquiat, datant de 1984, est estimé entre 2,5 et 3,5 millions de livres, soit près d’un tiers de l’estimation globale. Elle résume bien les liens entre les œuvres collectionnées par Bowie et sa vie : il l’a acquis en 1996, après avoir joué Andy Warhol dans le film que Julian Schnabel a consacré à Basquiat dont Warhol était le mentor. Bowie rappelait à quel point « l’œuvre (de Basquiat) se rapproche du rock comme très peu d’artistes ont su le faire », dans la revue Modern Painters en 1996. Bowie a en effet été aussi critique d’art, éditeur, rejoignant le comité éditorial de la revue en 1994, interviewant Balthus, Jeff Koons ou Damien Hirst. Un kaléidoscope de ce dernier, réalisé en 1995, figure aussi au catalogue de la vente.

Mais Bowie s’est également intéressé à l’art africain contemporain, au surréalisme et au design sous toutes ses formes. Pour preuve les œuvres originales aussi en vente dans cette collection comme le canapé Big Sur de Peter Shire de 1986 ou le tourne-disque Brionvega Radiophonograph, model RR126 que les frères italiens Pier Giacomo et Achille Castiglioni ont créé en 1965.

« J’ai commencé à collectionner très tôt (les œuvres d’art), expliquait Bowie au New-York Times en 1998. J’ai quelques Le Tintoret depuis de nombreuses années. J’ai un Rubens. L’art est, sérieusement, la seule chose que j’ai toujours voulu posséder. Ça a toujours été pour moi une nourriture stable. Je m’en sers. Cela peut changer mon humeur le matin. La même œuvre peut influer de différentes façons, selon ce que je traverse. »

On peut comprendre l’émotion qui étreindra ceux qui pourront chaque jour admirer des œuvres que l’artiste de légende aura lui-aussi contemplées, devant lesquelles il aura médité ou qui l’auront influencé.

Les prix de départ de certaines d’entre-elles  sont « raisonnables » mais, aussi pour cette raison, risquent de monter bien vite.

On peut se procurer le superbe catalogue de la vente, plus accessible que ces œuvres emplies d’une charge émotionnelle que la proximité et le regard du génie ont ajoutée.

Grégoire Laville

Bowie Collector. Après avoir tourné à Los Angeles, New-york puis Hong-Kong, la collection Bowie sera exposée du 1er au 10 novembre à Sotheby’s à Londres, New Bond Street, avant les ventes du 10 et 11 : Partie I -Art moderne et contemporain, vente du soir, 10 novembre. Partie II – Art moderne et contemporain, vente du jour, 11 novembre. Partie II – Design post-moderne : Ettore Sottsass et le groupe de Memphis, 11 novembre.

Plus d’infos sur le site de Sotheby’s


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