Avec son titre « éclair », sa pochette troublante et les premiers brefs extraits diffusés, on est sous le charme de ce qui s’annonce comme un nouveau sommet d’Etienne Daho. Blitz sera encore innovant, multiple, abondant, dansant et mélancolique. 


Avec son 14ealbum studio (dans une discographie intégrant 6 albums live), Blitz, qui sort le 17 novembre, Etienne Daho voulait « se surprendre » avec une « expérience sonique », en même temps que ses auditeurs. Animé par « le même esprit de liberté » qui traversait Pop Satori en 86 et Eden en 96, Blitz est aussi né de la même envie que celle des tout débuts de son créateur. Etienne Daho a dévoilé, avec un art certain du teasing, un premier single, Les flocons de l’été, envoutant et entêtant modèle de sa symbiose entre une mélodie légère, ici très sixties, et un texte mélancolique, puis la pochette de l’album dont la photo renvoie chacun à ses références et ses fantasmes. On ne le reconnaît pas au premier coup d’œil, la fumée s’échappant de ses lèvres masquant ses traits. Désinvolte, la casquette en cuir posé de travers, il nous toise l’air effronté et provocant, le long cou plongeant dans un perfecto, tel Brando dans L’équipée sauvage : le dandy doux et charmant Daho reste un rebelle qui n’a peur de rien, qui trace son sillon sans compromis, se renouvelant sans cesse. C’est ce qu’on découvre dans le dernier teaser mis en ligne rassemblant des extraits de quelques-uns des titres de l’album tant attendu, qui a réuni, autour de Daho, Fabien Waltmann, Jean-Louis Piérot, Flavien Berger ou encore le groupe Unloved dont le français est un grand fan : un semblant de sirène caractéristique du Blitz (Blitzkrieg, guerre-éclair en allemand), bombardements de Londres et Coventry par les Allemands en 1940 et 1941, se mêle d’abord de chœurs. Puis enchaîne une nouvelle déclinaison de la pop unique de Daho, érudite et ludique, fédératrice et pointue, légère et profonde,  grave et heureuse, emplie d’influences, de références –notamment à l’un de ses héros Syd Barrett-, de danses et de mélancolie, de cordes, de psychédélisme et d’électro sophistiquée, de mélodies accrocheuses et d’expérimentations, de mélange de genres. Inclassable comme il l’est, continuant à absorber et à tant influencer album après album, sans jamais se compromettre.

Entretien.

Vous me disiez, en début d’année, que cet album était une montagne plus importante que d’autres albums. Est-ce dû surtout à la volonté de ne pas reproduire ce que vous aviez déjà fait ou à l’importance particulière de cet album ?
C’est les deux. En fait, il est comme le 3evolet d’une trilogie, avec Pop Satori en 86, Eden en 96 et Blitz maintenant en 2017. C’est drôle : la cadence des dates et puis surtout, ils sont traversés par le même esprit de liberté, mais également par l’envie de faire une expérience sonique. Je trouve leur esprit très semblable. 

C’est-à-dire que l’enregistrement de Blitz, en lui-même, est une expérience ?
Oui, c’est tout à fait ça. Et puis ça fait presque 40 ans que je fais de la musique et je n’ai jamais cessé. Donc il y a une tentation parfois de recréer les mêmes obsessions. Spontanément, il y a des climats musicaux, des sujets qui reviennent. Donc plus on a d’ancienneté, plus il faut chercher, gratter, essayer de renouveler sa muse.  Ça prend davantage de temps. Il faut travailler davantage, éliminer et recommencer sans cesse. 

Vous évoquez une trilogie. Ça veut dire que vous avez voulu une sorte de triptyque ?
Non, je ne l’ai pas pensé comme ça mais maintenant qu’il est sur le point de sortir et que j’ai un peu de distance –pas beaucoup encore parce que c’est très long de se détacher de quelque chose qu’on a mis deux ans à faire quotidiennement et qu’on a en soi mais je commence à avoir un peu de recul et je peux l’identifier un peu mieux.
C’est un disque qui a été écrit avec l’état d’esprit du petit jeune homme que j’étais lorsque j’ai débuté à Rennes, dans un appartement de 1m2 (rires), à travailler toute la journée hors de son confort habituel. J’ai besoin de ça pour être toujours dans la même énergie que lorsque j’ai commencé. 

Ce nom, Blitz, a-t-il un lien pour vous avec la guerre-éclair ? On entend dans les extraits que vous avez diffusés des sirènes caractéristiques. C’est une alarme ce disque ? Vous alertez ?
Je n’ai pas cette prétention. Le rôle de l’artiste, c’est de reproduire ce qu’il ressent, de copier la réalité. Donc je copie ma réalité. C’est vrai que les attentats de Londres et partout dans le monde, le Brexit, cette sensation de guerre imminente, les relations entre Trump et la Corée du Nord, créent une espèce de climat de guerre-fiction parce que les médias nous la présentent comme de la fiction. Moi, je ne le ressens pas du tout comme de la fiction, peut-être parce que j’ai vécu la guerre quand j’étais petit (ndlr : Etienne Daho est né en 1956 en Algérie, en plein cœur de la guerre qui s’est déroulée de 1954 à 1962). Ça reconvoque chez moi des sensations d’insécurité alors que  beaucoup de mes amis ressentent les choses très différemment, lorsqu’ils regardent  les News. En même temps, ça ne m’empêche pas de prendre du plaisir et d’oublier.

Le Blitz est aussi très présent chez les Anglais. C’est un gros traumatisme et c’est un terme qui revient souvent dans les conversations. J’adorais ce mot pour sa sonorité et pour ce qu’il veut dire, l’éclair, la foudre, l’énergie et la mise en lumière de soi-même aussi. C’est un album dans lequel je me mets beaucoup en lumière. 

Dans ces extraits, on entend une grande diversité musicale. C’était votre objectif ?
Mon objectif était surtout de me mettre dans un contexte différent pour écrire. C’est vraiment l’album de mes rêves, exactement celui que j’avais envie de faire aujourd’hui. Après, je ne sais pas comment je vais pouvoir le partager avec les autres, comment il va être perçu ou reçu mais d’un point de vue artistique, c’est très satisfaisant de sentir qu’on est complètement en phase avec ce qu’on a voulu faire.

Vous avez travaillé avec le groupe Unloved que vous aimez beaucoup.
Un petit peu mais surtout avec Fabien Waltmann, qui est le partenaire le plus présent. On a fait 7 titres ensemble et on a travaillé quotidiennement, d’arrache-pied. Il y a aussi Jean-Louis Piérot, la moitié des Valentins, avec lequel j’avais réalisé l’album précédent. Nous avons écrit 3 titres ensemble dont Après le Blitz qui a donné le titre à l’album. Et Unloved dont j’ai entendu le disque et dont je suis tombé amoureux. Ça a été une influence vraiment évidente pour le côté sonique du disque, pour avoir quelque chose de très spectorien, très sixties, mais en même temps je voulais un album qui sonne contemporain. Je n’avais pas envie de faire une copie de quelque chose qui soit passé. La contribution d’Unloved et la rencontre avec eux ont été importantes. Vraiment je les adore, en tant qu’artistes et en tant que personnes.

Surprendre était une ambition ?
Non. Je voulais surtout ME surprendre (rires). Après si c’est le cas pour les autres, tant mieux mais l’essentiel c’est d’avoir toujours soi-même la même envie, notamment celle des tout débuts.

Les textes sont assez sombres, contrebalancés par une musique différente. C’était une volonté claire ?
C’est souvent le cas. Je crois que c’est un peu inconscient. Les choses se font à l’instinct. Mais ça donne des chansons à double lecture que j’aime bien parce qu’on ne les écoute jamais de la même manière et on découvre à chaque fois des choses différentes. Les chansons dévoilent plus lentement leur mystère et je préfère cela.

C’est le cas avec Les flocons de l’été, avec cette mélodie douce qui fait penser aux années 60 et un texte hyper mélancolique ?
Oui, tout-à-fait. Ceci dit, cette chanson a un peu une fonction comme pouvait avoir Des heures indoues dans l’album Pour nos vies martiennes, c’est-à-dire une chanson qui est un ovni dans l’album parce qu’elle ne ressemble absolument pas du tout au reste du disque.
Les flocons de l’été, c’était comme une carte de visite mais en même temps, les gens qui pensent que l’album va avoir cette tonalité vont être surpris, ceux qui auront été intrigués par ce côté ballade seront contents de voir que l’album est vraiment construit sur une grosse dynamique.

La photo de la pochette de Blitz surprend aussi. Elle est pleine de références, assez connotée. C’est une volonté de jouer avec votre image ?
C’est mon goût de jouer avec les images, c’est sûr. Mais les références sont multiples. Quand j’ai rencontré Lou Doillon pour la première fois chez sa mère, elle était habillée comme ça et j’avais trouvé ça très sexy, très beau et quand j’ai enregistré le disque, j’ai revu coup sur coup L’Equipée sauvage avec Brando, de Kazan, Portier de nuit de Liliana Cavani, avec Charlotte Rampling… J’avais envie de jouer avec une image comme ça. Je trouve cette photo très belle. Elle a une familiarité avec les images de ‘Pierre et Gilles’. Ça pourrait être un lien avec la photo de La Notte (2e album, en 1984) avec le T-Shirt marin et le perroquet… Elle a un peu cette familiarité. Donc les gens ont été assez surpris par cette image mais j’ai l’habitude qu’ils le soient par mes pochettes (rires)… Avec la dernière en date aussi, Les chansons de l’innocence retrouvée… Ce n’est pas une volonté de choquer. C’est juste ce que j’ai envie de faire. Voilà, c’est tout. Je pense que c’est une bonne vitrine pour ce disque.

Les gens voient toutes les images à travers le prisme de leurs cultures et de leurs propres fantasmes. Le fantasme des gens n’est pas nécessairement le mien… 

Vous avez fait ce disque entre Londres et Paris. En Bretagne aussi ?
Je viens très souvent en Bretagne, à Rennes ou à Saint-Malo. Ça influence bien sûr le disque. C’est toujours en moi, même si je voyage.

Propos recueillis par Grégoire Laville

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