Le marmiton de Trégastel est aujourd’hui un chef renommé à New York. Son parcours et son talent forcent le respect, faisant l’admiration de ses collègues et compatriotes dans la Grande Pomme et au pays. La preuve ? Sa promotion au grade Chevalier de l'ordre national du mérite. Pour sa cuisine ? Sûrement, mais aussi pour son engagement, car quand il le faut, Hervé Riou décroche son tablier pour s’engager comme volontaire auprès des pompiers de New York. Rencontre.

Sa vie est digne d’un roman mais le bonhomme est si modeste qu’il préfère couper court à toute tentative de compliment. Et pourtant… L’histoire d’Hervé Riou démarre, il y a cinquante-six ans, à Trégastel dans la cuisine de sa grand-mère qu’il aide, le dimanche, à faire les tartes et préparer le poisson. « Je ramenais un peu de pêche avec mon grand-père et j’adorais finir les gamelles, se souvient avec beaucoup de tendresse ce natif des Côtes d’Armor. J’aimais aussi faire le beurre et être au jardin. »

« Tout venait des fermes. On achetait sur pied »

Sa mère dont il dit qu’elle était aussi « une formidable cuisinière » est peut-être celle qui a conduit ce gamin du bord de mer derrière les fourneaux. Une chose est sûre. Le petit Riou est tombé dedans… Cet amour de la cuisine l’amène chez un maître-cuisinier à La Gerbe de blé, à Laval, où il fait ses classes. « C’était la vieille cuisine des années 50, authentique, sans snobisme, se rappelle le Breton. Tout venait des fermes. On achetait sur pied. Cela me fascinait et avait un sens énorme pour moi. »

D’autres places suivent en Bretagne, à Domfront dans l’Orne. Puis, Paris, l’Irlande… Et soudain, l’Amérique. « Je venais de me marier à une Américaine dont les parents souffrants nous avaient poussés à partir. » Le marmiton est entre temps devenu cuisinier et New York lui tend les bras.

Du Plaza à « Chez nous »

La passion est toujours là, plus que présente. Les cuisines de l’illustre Plaza Hotel accueillent le jeune expatrié, puis, attirance de la mer oblige, le World Yacht, un bateau-croisière de luxe où le Trégastellois décroche sa première toque de chef.

Arrive ensuite « Chez nous », un restaurant qu’Hervé Riou ouvre, à force de travail et de volonté, dans le New Jersey. Les années passent, bien remplies, jusqu’à la revente de l’établissement en 1993 noté trois étoiles par le New York Times.

L’amour s’en va, puis revient après un divorce et sa rencontre avec Loren, une autre Américaine, également chef, tant qu’à faire. La belle a fait ses armes au Quilted Giraffe, premier quatre étoiles ouvert aux Etats-Unis très couru dans les années 80.

« On ne peut rester indifférent à la détresse humaine »

Mais sous la toque se cache un tout autre personnage. Le talentueux « cook » n’a en effet jamais oublié l’engagement de son grand-père, Francis, ancien résistant et adjoint au maire de Trégastel tout comme son propre fils, Michel. A quarante ans, Hervé fait le choix, lui, du travail humanitaire raccrochant, quand il le faut, son tablier de chef pour s’engager comme volontaire auprès des pompiers de New York.

Parmi ses faits d’armes, deux ouragans, Katrina, en Louisiane en 2005 et Sandy, à New York en 2012. « Pour Sandy, j’avais participé à 300 sorties, en seulement quelques dizaines d’heures, raconte fièrement le volontaire. C’était de la folie. Mais il fallait intervenir le plus qu’on pouvait et donner le maximum. On ne peut rester indifférent à la détresse humaine. J’ai aussi procédé à des extractions de véhicules mais parfois, juste tenir la main de quelqu’un en difficulté peut être suffisant. »

« Ma reconnaissance envers les Etats-Unis »

Une devise qui finit par faire le tour des popotes en dépit de la discrétion assurée du « chef sauveteur ». Son ami Sébastien, chef à l’ambassade de France, lui glisse un jour à l’oreille qu’il mériterait bien d’être distingué. Réponse de l’intéressé : « Comme me disait mon grand-père, c’est agir qui compte. Les médailles, elles, restent dans la boîte. » Mais le descendant d’élus locaux ne savait pas ce qui l’attendait jusqu’à ce décret paru au Journal Officiel lui annonçant « après 32 ans de service aux Etats-Unis » sa promotion au grade Chevalier de l’ordre national du mérite. » Je ne m’attendais pas à une telle distinction, commente toujours aussi réservé le Costarmoricain. Par mon engagement, j’ai voulu montrer ma reconnaissance envers les Etats-Unis et donner une meilleure image des Français ici. »

Eric Ripert venu décorer son meilleur ami

C’est toujours avec humilité que le Breton de Trégastel a fêté l’événement, cet été, dans le fief de sa bien-aimée, Loren Michelle, chef de Naturally Delicious à Brooklin, une jolie bâtisse et son jardin potager, dont son mari adore s’occuper, le tout réservé à des dîners privés.

Parmi les invités, l’illustre chef du Bernardin, Eric Ripert, venu en personne décorer son meilleur ami. « On s’est rencontré  à Antibes, il y a vingt ans, souligne avec tout autant de simplicité la star du restaurant new yorkais qui arbore trois étoiles au Guide Michelin depuis 2005. On était entre copains. Depuis, on est devenu amis à vie. Hervé est quelqu’un de très pur, très loyal. Il a un cœur en or. C’est une personne sur qui on peut compter en amitié. On l’appelle, il est là. Je l’apprécie beaucoup.»

« Il ne parle jamais sauf quand on le questionne »

« Son parcours est admirable tant sur le plan professionnel qu’humain, ajoute le chef à la renommée mondiale connu aussi par son émission de télévision gastronomique américaine, Avec Eric. Hervé est reconnu et respecté par la profession. Il ne parle jamais sauf quand on le questionne. C’est en plus quelqu’un de très cultivé qui lit beaucoup. J’étais très fier de lui remettre cette distinction qui veut dire beaucoup. C’est vraiment mérité. Les Bretons ont de grandes qualités.» Une référence d’Eric Ripert à sa propre maison dont la propriétaire, Maguy Le Coze, est également Bretonne, née à Port-Navalo, dans le Morbihan.

Un bonheur n’arrivant jamais seul, les convives se sont retrouvés cette fois pour célébrer l’union des deux chefs, Hervé et Loren, sur les bords de mer à Long Island en août dernier. Depuis, la médaille a retrouvé sa boîte. Aujourd’hui chef au Salmagundi Art Club, la plus ancienne maison d’artistes fondée en 1871 à New York, le Breton veut relever un nouveau défi, en toute modestie.

De notre correspondante à New York,
Marie Le Blé

POUR QUELQUES MOTS DE PLUS :
Loren, son épouse : « Il adore les crabes et les bigorneaux »
« C’est l’homme le plus incroyable que je n’ai jamais rencontré. Hervé est quelqu’un de vrai, d’humble et plein de compassion. C’est un vrai gentleman. C’est aussi un gros travailleur. Il a su mixer les deux cultures culinaires, américaine et bretonne par sa passion des fruits-de-mer. Il respecte mon travail et me respecte aussi en tant que chef. Nous sommes des personnes qui aimons les choses simples. Il adore les crabes et les bigorneaux. C’est lui qui le plus souvent s’occupe des repas à la maison. De temps en temps, le dimanche, on se met ensemble aux fourneaux mais notre cuisine est toute petite. »

Sa cousine, Catherine, se souvient : « C’est resté un petit Breton»
« On s’est retrouvé en octobre 2011 à New York où je suis venue le voir avec mes deux autres sœurs. C’est comme si on ne s’était jamais quittés, sa façon de s’habiller, tout… J’ai retrouvé mon cousin en petit Breton. J’ai beaucoup d’admiration pour lui. Je regrette de n’avoir pu assister à son mariage. Hervé est très aimé, très respecté. Il reste discret sur son travail et ses activités de volontariat alors qu’il fait beaucoup. Chaque été, on campait dans le jardin de la maison de Trégastel. Mon père retrouvait le sien. On s’amusait comme  des fous. C’était la tribu Riou. »

Où déguster l’art culinaire d’Hervé Riou
Naturally Delicious Caterers 487 Court St, Brooklyn, NY 11231 ;
Salmagundi Art Club 47 5th Ave, New York, NY 10003.

Même s’ils s’accordent à merveille derrière les fourneaux, ce n’est pas en cuisine qu’ils se sont rencontrés mais dans un yacht club. Hervé et Loren ont aussi la voile pour passion. Le Breton est aussi l’un des piliers de l’Académie culinaire.

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