Poète, c’est sûr. Ferrailleur, pas à tous les coups. Cette appellation, Robert Coudray la fait cependant sienne, lui qui fait tourner les têtes, déjanter les maisons ou, à leurs pieds et pas inquiètes le moins du monde, picorer les poules


Mieux que Disneyland ou que le parc Astérix, mieux qu’au Puits du fou, c’est à Lizio qu’il faut conduire les minots ! Mais si l’on y va la retraite bien entamée, cela fera revenir aux vieux os les mêmes joies qu’aux minots ! Fin des rimes en o, revenons au lieu-dit Ste Catherine en Lizio, Morbihan. Dans un musée d’art brut, de marade et de poèmes en pédale, en chaînes de vélo, en courroies, en soupirs et en marteaux ! Ici la cuisine se fait en plein air, les gouttières sont suspendues sans toit, les passoires passent le temps et les égouttoirs les cailloux des yeux (ou l’inverse).

Robert Coudray habite ici depuis un bout de temps. Ici qu’il opère, coupe, soude, plâtre, construit, anime, sculpte et le tout sur courant alternatif ! Pas que le vent pour donner le tournis aux bidons mais aussi le vent, aussi pour les ailes des moulins et quand Don Quichotte s’y colle, c’est branché sur le secteur : il suffit de presser le bouton. Robert Coudray tient d’un facteur Cheval (Hauterives-Drôme) ou d’un Robert Tatin (Cossé le Vivien-Mayenne), bref un Robert Coudray  est un Robert Coudray ! Depuis des décennies, il remonte à rebours son enfance, s’offre des aventures, lesquelles en trois dimensions volent, couinent, éructent. Certaines fois, le manège qui l’a fait faire des manèges ressemble en tout point à un vrai manège ! Sauf que brinqueballant, bossu et vaguement encabossé. Les bateaux sont à base de 2cv Citroën avec le lierre pour amarre et quelques autres surprises. Les œuvres peuvent être plus hautes que nous, suspendues aux nuages !

Le ferrailleur est un poète. Il dépasse. Il déborde et souvent on doit lever la tête. Puisqu’on ne peut pas tout voir, on devient vite hôte du poète : en venant une fois on peut revenir autant qu’on veut à l’échéance de l‘année ! Le mode d’emploi est simple, tout ici est affiché y compris les sentences ou l’art de la générosité.

Les proverbes de Coudray sont au naturel, ses jeux de mots simplissimes à l’instar des mécanismes à base de poulie, d’eau, de goulotte et de beaucoup, beaucoup d’imagination. Pour arriver à cette simplicité, sous ses airs d’arte povera voire d’art fruste, il faut du boulot, du boulot et encore du boulot jusqu’à la frustration qui fait recommencer quand le constructeur de dôme a vu son dôme éboulé. Robert Coudray nous l’avoue, qu’il faut s’y reprendre à plusieurs fois.

Au final, il y a le chef d’œuvre du Compagnon du Devoir (il l’a fait !), c’est ici, on le visite, on s’y promène, c’est le grand œuvre en train de se faire et qui nous hallucine. Pour quoi on pense à Cheval et son presqu’infini Palais Idéal. Robert Coudray annonce ici la construction de vingt-deux maisons. Des maisons ? Des édifices ? Des bâtissincroyables ? Des buildingues ? Des masurimaginaires ? Des architecturieuses ? Si les vingt-deux avenirs sont de la trempe de la dizaine surgie du cerveau de l’auteur, et il n’y a aucune raison pour que pas, nous, les visiteurs, avons de belles années devant nous. Le lotissement de Coudray, même s’il est de guingois, et il l’est pour notre joie, n’est pas habité  que par des poulies et des poules : les hirondelles y logent ! On dira de Coudray qu’il est un bailleur social autant qu’un cinéaste ; auteur notamment du très réussi J’demande pas la lune, juste quelques étoiles !

Le tout en énergie renouvelable ! En torchis thermique, en isolation naturelle, en panneaux solaires et autres eaux circulaires. Les fontaines sont musicales, car nous n’avons pas dit que Robert Coudray sculpte la musique et l’eau, il les découpe, les égrène. On s’attendrait presque à ce que l’eau qui ruisselle remonte à l’envers vers la pluie s’il pleut ou les ciels à sec si c’est l’été!

Il y a à Lizio du féérique, de l’utopique et aussi du clou, de l’agrafe, des soudures à l’art plutôt qu’à l’arc et tout ce qu’il faut pour refaire le monde. Pas comme nous en fin de repas, non ici le monde est refait de fond en comble, c’est un topos poétique, un topiaire de pierre, de fer et de genêts, c’est de la magie matérielle qui tient du vent, de la pluie voire à la marée. Coudray n’est pas un génie, lui qui le dit, donc il y avait pensé, mais un génie au sens du bon génie, celui qui fabrique le rêve et sème l’utopie !

À Lizio, tout est garanti sans numérique : les vélos, les astrolabes, les funambules ou les plumes ! La télé a sept chênes et vibre avec les ailes tournant avec l’électricité produite sur place. Art autarcique ! Ni programmation ni appli – donc ni panne ni SAV, sauf la fantaisie de l’auteur ! Point de disque dur, sauf son imaginaire ! Allons donc à Lizio sans crainte du bug ni de la panne.

On a quasi honte de l’écrire sur Bretagne-Actuelle qui est un site où le pédalier est en 2.0 !

Gilles Cervera

Musée du Poète Ferrailleur
La Ville Stéphant, 56460 Lizio
Ouvert tous les jours en juillet et août de 10h30 à 19h
www.poeteferrailleur.com
Tél. : 06 87 02 62 79

Le Poète Ferrailleur

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